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La souffrance est un cadeau mal emballé
“De la même manière que la douleur physique, la douleur psychique signale un déséquilibre, le dépassement d'une limite. Et, comme celle-ci, loin d'être néfaste et indésirable, elle s'avère dans certains cas saine et nécessaire.” (Mark Manson)
On voit souvent la douleur physique et psychique comme un problème. Personnellement, elles m’ont beaucoup aidée. Chaque douleur qu’elle soit psychique ou physique a été, pour moi, un signal, le révélateur d’un problème qu’il me fallait comprendre et libérer.
Pourtant, nous avons bien du mal à la voir, cette petite lumière rouge STOP qui clignote au-dessus de nos têtes et qui nous informe que les limites de l’acceptable ont été franchies.
On tire sur la corde, on mets des œillères, on s’anesthésie avec le travail, des substances diverses et variées, des voyages, des achats et bien d’autres choses encore. En fait, on se ment à soi-même. La plupart du temps, on le sait au fond de nous, mais c’est tellement plus confortable de faire “comme si” on ne savait pas.
Car ne nous voilons pas la face, ouvrir la boîte de Pandore et revenir aux racines du problème est souvent douloureux.
Deni ?
Habitudes de fonctionnement ?
Peur de ce qu’on peut découvir ou peur du changement ?
Volonté de passer en force en se disant “ça va passer” ?
Peur de faire du mal ?
Il y a tant de raisons de ne pas passer à l’action.
Chacun a les siennes et ses propres empêchements.
Ses propres inconsciences.
L’être humain est d’une telle complexité.
Une chose est sûre : plus on attend, plus on a peur, plus on dépasse nos limites acceptables, plus ça fait bobo.
Combien de personnes ont dû passer par un burn out carabiné ou une malade grave avant de décider de passer à l’action en changeant de job, de relations ou en démarrant une thérapie.
J’ai attendu très longtemps moi aussi, en tirant sur la corde, en refusant d’aller vraiment creuser et d'accepter de voir.
Dans son livre “l’art subtil de s’en foutre” Mark Manson écrit : c'est en regardant en face nos peurs, nos défauts et nos incertitudes - en arrêtant de fuir et d'éviter -, que nous pourrons trouver le courage et la confiance qui nous manquent tant.
Lorsque je décide de libérer ma parole et d’écrire mon livre “Ecoutez-moi !” j’arrête de fuir et d’esquiver et je commence à assumer.
L’écriture et l’aide que je décide de chercher à ce moment là me soutiennent dans mon processus.
Oser écrire et faire un livre de son histoire, c’est prendre les choses en mains.
Prendre la responsabilité de sa vie et de son bonheur.
Ne plus chercher à plaire comme on le faisait enfant, ni faire semblant.
Ecrire c’est grandir.
En écrivant mon histoire, je commence à assumer.
Assumer est l’antonyme de refuser, repousser, éluder.
Je l’ai fait pendant tellement longtemps.
En écrivant j’assume mon histoire et mon passé et je vais à la rencontre de la personne que j’ai été jusqu’ici : la silencieuse, la bizarre, la fuyante, la honteuse et je la ramène jusqu’au présent.
Ecrire c’est poser des mots sur le silence et assumer.
J’assume ma colère refoulée et non exprimée.
J’assume ma tristresse. Et c’est le décès de mon amie Sandra, elle aussi victime de violences sexuelles et d’inceste, qui m’offre le cadeau de m’y reconnecter. Je l’avais cadenassée depuis tant d’années cette tristesse ! Quelque chose change pour moi à ce moment là. Nos ami.e.s de l’au-delà ne sont jamais loin pour nous accompagner.
J’assume ma vulnérabilité, car finalement être vulnérable, c’est être humain.
J’assume le sentiment d’injustice que je ressens au fond de moi envers toutes ces victimes (femmes et hommes) qui ont eu peur de parler ou qui n’ont pas été écoutées et qui se sont senties coupables et honteuses. Je comprends que c’est en m’engageant par mes actions éclairées que je peux contribuer et aider à combattre ces injustices.
“L’action est l’antidote au désespoir” disait Joan Baez.
J’assume ma volonté de m’engager aux côtés des victimes qui sont encore dans le déni, la souffrance, l’impossibilité de dire. Je deviens bénévole au sein d’une Association de victimes d’inceste en Alsace. Le chemin pour les victimes est souvent tellement long et sinueux. Je ressens que mon engagement est juste, aligné avec mes valeurs et la personne que je suis au fond de moi.
Et enfin, j’assume les émotions que je vais déclencher chez les autres.
Je comprends que l’émotionnel n’est pas dangereux quand il est assumé.
Il peut être douloureux, bien sûr, mais pas dangereux.
Tout cela est tellement nouveau pour moi. J’ai reproduit tant de schémas familiaux et cherché à établir tant de stratégies par peur des émotions : les miennes et celles des autres.
Je comprend que nos émotions véritables (pas celles qu’on utilise pour se protéger, faire écran de fumée ou manipuler) c’est la vie !
Je comprends que je ne suis pas la réincarnation du Bouddha, qu’oser dire “Non” et “Stop” à une situation anormale et injuste est normal et que je ne suis pas une “mauvaise fille” pour ça.
Ecrire est aussi de l’ordre de cette réhabilitation là.
En écrivant, je sors aussi du discours néo-spirituel qui affirme que “tout est juste”. Il est tellement facile de fuir dans ces méandres là. Je l’ai tenté moi aussi.
Quand un enfant est abusé ou violé, qu’il n’est ni écouté, ni protégé et que son agresseur n’est pas puni par la loi, il n’y a ni justesse, ni justice.
Bien sûr, mon chemin spirituel m’a amenée à comprendre que nous étions bien plus que ces êtres cabossés et souffrants et bien sûr, les agresseurs sont eux aussi des êtres cabossés et souffrants. Aucun enfant à l'âge de 4 ans ne "rêve de devenir un agresseur sexuel" ! Néanmoins le chemin spirituel ne doit pas être une excuse à l’inaction lorsque des actes répréhensibles sont commis.
Nous sommes tous des humains qui vivons dans un monde de dualité (qui est aussi en nous) où le bien ET le mal existent. Et ce n’est pas l’Abbé Pierre, personnalité préférée des Français pendant des décennies, qui nous dira le contraire, hein ?
Le travail de recontruction des victimes ne peut réellement se faire que lorsque les actes condamnables commis ont été vus, légitimés et, quand c’est possible, punis. La justice sert à ça.
De nombreuses injustices dans le monde ont commencé à être levées et enfin prises en compte grâce aux personnes qui ont su poser des actes forts et dire “stop”, “non”, ”ça suffit”.
Je pense à Rosa Park bien sûr, mais aussi à Nelson Mandela, Martin Luther King, Simone Veil et tant d’autres.
J'ai la croyance que la vie est un long chemin vers la liberté, l’amour et le pardon et qu'il y a des étapes à franchir et des prises de conscience à opérer.
La souffrance est inhérente à l’être humain.
Aucune âme n’est épargnée.
Elle fait partie du chemin.
Elle est un cadeau mal emballé qui, si on accepte de le déballer et de faire le travail de libération en conscience et en profondeur, nous reconnecte à notre lumière et à notre capacité à pardonner, celle qui est aussi en chacun de nous et qui, je le crois, changera le monde.
A la fin de son poème “Notre peur la plus profonde”, Marianne Williamson écrit “Elle [notre lumière] n'est pas seulement chez certains d'entre nous, elle est en chacun de nous. Alors que nous laissons notre propre lumière briller, inconsciemment nous donnons aux autres la permission d'en faire de même. Alors que nous nous libérons de notre propre peur, notre présence libère automatiquement les autres.”
Ecrire, c’est comme tenir une lampe torche dans les mains pour éclairer chaque chapitre de notre vie et en retirer l’essence, la substantifique moelle : le sombre et la lumière.
Cette intégrité, cette honnêteté et cette sincérité – ou leur absence – forment la trace que nous laisserons derrière nous.
C’est ce dont l’histoire se souviendra.
Ecrire est un appel à l’action
Un appel à l’aventure
Un appel à la liberté d’être
L’appel demande du courage et exige que nous nous élevions au-dessus de ce que nous étions... en nous souvenant, avec tendresse, que nous ne sommes jamais seuls sur le chemin de libération mais que c’est à nous, et à nous seuls de marcher et d’éclairer.
Mais ça, c’est encore une autre histoire.
On écrit ensemble ?