Qui suis-je ?
C’est une question clichée, certes, mais aussi essentielle lorsqu’on aspire à écrire un livre qui prétend contribuer à la guérison du monde.
« Participer à la guérison du monde » ?
Oui, c’était bien l’un de mes objectifs en écrivant Écoutez-moi !. Cela figure d’ailleurs sur la quatrième de couverture.
Je vous entends rire et ironiser : « Euh, ça va les chevilles ? Toi, participer à la guérison du monde avec la colère qui teinte une bonne partie de ton livre ? »
Rassurez-vous, mes chevilles vont très bien.
Dans ce que j’appelle mon "livre-vie", la colère cohabite avec ma bienveillance légendaire et mon côté "béni-oui-oui". J’y montre un autre visage. Celui d’une femme qui accepte d’accueillir toutes ses parts, même celles qui ne sont pas politiquement correctes. Car c’est ainsi qu’on devient entier ou entière—et enfin libre.
La colère : une énergie de transformation
Dans son livre Les visages de nos colères, Sophie Galabru écrit :
« La colère dérange tout autant que la folie, peut-être parce qu’elle semble en être l’euphémisme, l’antichambre, l’astre connexe. Mais par sa colère, une femme ou un homme se défend de quelque chose qui blesse sa dignité ou menace son territoire. Parfois, la colère vise plus grand que soi : le monde qui semble injuste, violent, épouvantable. Le colérique le sent par son corps ; il mobilise une intelligence sensible. Et ce recours est une force qui peut, à condition d’être assumée et comprise, le rendre encore plus sensible et intelligent. »
Assumer sa colère, la comprendre pour devenir plus sensible et intelligent. C’est ce que j’ai ressenti en enquêtant sur mon passé.
Nos histoires de vie comportent toutes des parts peu reluisantes que l’on préfère cacher : colère, jalousie, peurs, insécurités, envies de vengeance, honte, culpabilité. Pourtant, les affronter et les accueillir fait partie de la transformation.
Un livre qui libère
Les personnes ayant un passé d’abus—celles qui se sont construites dans la honte ou la culpabilité, celles qui sont restées des "gentilles fifilles", silencieuses, parfois amnésiques, fidèles à l’harmonie familiale—m’ont dit : « Ton livre m’a permis de connecter un élément que je ne m’étais jamais autorisée à ressentir. Merci. »
Certaines ont été contraintes d’interrompre leur lecture pour assimiler ce qu’elles comprenaient, pour faire des liens. Elles m’ont confié que Écoutez-moi ! était un livre puissant et thérapeutique. Cette puissance provenait justement de cette énergie de colère qui, loin d’être négative, est une énergie de vie, de renaissance—une énergie qui remet les pendules à l’heure pour les victimes.
Car la colère cherche la respectabilité. Et les victimes d’abus et de violences sexuelles en ont souvent manqué.
La guérison en chaîne
Ainsi, mon livre semble amorcer son effet thérapeutique. C’est en ce sens que je crois que certains livres participent à la guérison du monde. Chaque cœur libéré devient un maillon d’une chaîne nouvelle.
J’ai également voulu rendre hommage, dans mon livre, à tous les auteurs qui ont été des tuteurs et tutrices de résilience pour moi : romanciers, poètes, scientifiques, artistes, marginaux. Tous font partie d’une chaîne humaine.
L’élaboration comme chemin
J’adore ce passage du livre de Boris Cyrulnik, La nuit, j’écrirai des soleils. Rien que le titre est une invitation à la chaleur, à la lumière, à l’action.
Il écrit :
« Donner sens à une épreuve même tragique, c'est mettre dans son âme une étoile du berger qui indique la direction. Il faut alors marcher, rêver, réfléchir et rencontrer ceux qui nous aident à élaborer. Rabelais disait « élabourer », renforçant ainsi la métaphore du paysan qui pense en posant les pieds par terre. Quand il travaille à se représenter un événement passé, le cultivateur se met à la peine. En s'efforçant d'exercer son esprit, il muscle son cerveau. En rencontrant quelqu'un pour échanger quelques mots, il lui donne le pouvoir de devenir un tuteur de résilience. L'élaboration poétique, psychologique ou scientifique donne ainsi une forme acceptable à ce qui était intolérable. Le lent travail intellectuel, émotionnel et relationnel transforme une panique incompréhensible en plaisir de comprendre. »
Alors, élabourons. Posons les pieds par terre. Un pas après l’autre. Musclons notre cerveau. Allons à la rencontre les uns des autres. Échangeons, en vérité, à partir d’un cœur conscient, aimant, libéré. Devenons des tuteurs et tutrices de résilience les uns pour les autres.
Retour à la question initiale
Pour clore ce premier écho inspirant de l’année, je reviens à la question du début : qui suis-je ?
Je suis une femme d’action, libérée, qui aime apprendre, partager, transmettre, rêver, trouver du sens... et avancer, un pas après l'autre, avec la conviction que chaque apprentissage, chaque lien créé, chaque geste sincère contribue à rendre le monde un peu plus humain et lumineux. Je suis une femme en chemin, comme chacun d’entre vous.
Alors, à vous qui lisez ces lignes : qui êtes-vous ? Et quelle lumière unique pouvez-vous apporter à ce monde ?