Ce que l'inceste révèle de notre société


Il y a des silences qui ne viennent pas seulement de l’intime. Il y a ceux qui se propagent, comme des échos. Ceux qui traversent les murs des maisons, des tribunaux, des ministères. Ceux que l’on retrouve dans les discours politiques, les statistiques, les non-lieux. Ce sont les poupées russes du silence. Ce sont ces silences-là que le podcast de Louie Media met en lumière. Et ils sont vertigineux.

 

Eva Thomas fut la première femme à témoigner à visage découvert, en 1986, d’un inceste commis par son père. Il lui a fallu trente ans pour retrouver la mémoire, puis le courage de parler. Son témoignage ne s’est pas arrêté là : elle a fondé une association, milité sans relâche. Et pourtant, quarante ans plus tard, le constat est amer. Rien, ou si peu, n’a changé. Elle l’affirme sans détour : "La société mime le silence des familles."

 

Quand la justice se retourne contre les victimes

L’histoire de Claudine J. est emblématique. Après avoir témoigné sans jamais nommer son père, elle est condamnée pour diffamation. La justice inverse les rôles. Eva Thomas, présente au procès pour la défendre, en ressort anéantie. Incapable de parler, incapable d’écrire, comme dépossédée de sa voix. Il lui faudra un acte symbolique fort – changer de prénom – pour retrouver ses forces et écrire à nouveau. C’est dire à quel point le système peut broyer ceux qui brisent le silence.

 

Le traumatisme d’Outreau

Un autre tournant dramatique, c’est l’affaire d’Outreau. Retenue comme un scandale judiciaire pour les accusés à tort, elle a pourtant vu douze enfants reconnus victimes de violences sexuelles. Mais ce que l’opinion publique a retenu, c’est la douleur des adultes innocentés. À partir de 2005, le nombre de condamnations pour violences sexuelles s’effondre. La parole des enfants devient suspecte. Toute la justice semble paralysée par cette affaire. Le silence institutionnel se renforce.

 

Le SAP : une arme contre les mères

Ce climat de suspicion trouve un terreau fertile dans une idéologie insidieuse : celle du syndrome d’aliénation parentale (SAP), promue par Richard Gardner, psychologue controversé. Une théorie jamais validée scientifiquement, mais utilisée encore aujourd’hui pour décrédibiliser les mères qui dénoncent des violences sexuelles sur leurs enfants. En France, elle est enseignée à certains magistrats. Le SAP devient un outil pour faire taire, pour renverser la culpabilité. Il offre un bouclier aux pères incestueux.

Comme le rappelle le réalisateur Patrick Jean, la figure du père est au cœur de notre organisation sociale. Père de famille, père de la nation, père spirituel... Remettre en cause cette figure, c’est menacer l’ordre patriarcal. Alors la société résiste. Et les enfants restent les grands absents du débat public.

 

Une société patriarcale, pas protectrice

La parole de l’enfant est encore largement ignorée, voire disqualifiée. On dit « intérêt supérieur de l’enfant » dans les textes, mais dans les faits, l’enfant reste perçu comme un objet. L’avocate Dominique Attias le dit clairement : "On nous bassine avec les droits des enfants, mais tout ça, c’est du pipo. Les enfants ne sont pas considérés." Et c’est lié, profondément, au mépris encore présent pour la parole des femmes.

 

Ce qui est en jeu : un ordre social

Ce que ce podcast met crûment en lumière, c’est que si l’on écoutait réellement les enfants et les mères, si l’on donnait foi à leurs paroles, il faudrait changer les lois, la justice, les institutions… et toute la structure patriarcale sur laquelle repose notre société. C’est un séisme que peu sont prêts à affronter. Alors on continue de détourner le regard. On enterre les chiffres. On tait les enfants. On accuse les mères.

Mais chaque parole qui s’élève fissure ce système. Chaque voix qui s’entête à dire, malgré la peur, malgré les représailles, malgré l’indifférence, participe à ce nécessaire renversement.

Parce que ce n’est pas aux enfants de se taire. Ni aux femmes de porter seules le poids du silence.

 

Si ces mots résonnent en toi, si tu portes une histoire que personne ne connaît ou que peu osent entendre, sache que ton silence n’est pas une fatalité.

 

Écrire, c’est poser une lumière là où d’autres ont mis de l’ombre. Témoigner, c’est sortir du déni. Partager, c’est faire exister ce qui dérange et empêcher que ça recommence.

 

✍️ Que tu écrives pour toi, pour ton enfant intérieur, pour celles et ceux qui n’osent pas encore, ta voix compte. Elle a le pouvoir d’ouvrir des brèches.

 

Tu veux être accompagné.e pour mettre des mots sur ton histoire ?
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