La sainte colère : cette colère qui nous écrase et nous élève

On nous a souvent appris que la colère était un défaut. Sous nos latitudes, elle n’est pas bien vu. L’éducation chrétienne influencée par la philosphie stoïcienne a longtemps nié les émotions. La colère, 6ème des 7 péchés capitaux et l’un des 3 poisons de l’esprit selon le bouddhisme a été classée parmi les vices à réprimer. Et dans l’éducation, on l’a bien souvent muselée dès l’enfance.
Lytta Basset, philosophe, théologienne et autrice du livre Sainte Colère l’a voit différemment.
Dans son livre, elle défend une idée aussi simple que révolutionnaire : la colère peut être sainte et elle est même un moment nécessaire de la vie spirituelle.
Pour elle la colère fait partie du chemin spirituel.
Pas une colère destructrice, mais une colère vivante, incarnée, relationnelle. Une colère qui transforme le lien.
Quand la colère nous différencie
Dans la Bible, les récits de colère abondent : Caïn, Job, Jacob, Jésus lui-même face aux marchands du Temple.
Pour Lytta Basset la colère permet de ramener de l’énergie vitale et a permis à Jacob de rester lui-même en s’enracinant dans sa propre vérité.
Mais ce qui frappe, c’est que ces colères ne sont jamais condamnées en tant que telles.
Quand Job ose crier contre Dieu, Dieu ne le réprimande pas. Il l’écoute. Il reconnaît même qu’il “a bien parlé de moi”.
Dans mon livre “Ecoutez-moi !” j’évoque le lien que j’avais développé avec Jésus lorsque j’étais enfant, puis le retour à une spiritualité différente ces dernières années.
Dans mon article “confessions” (lien ci-dessous) j’évoque à quel point l’échange que j’ai eu avec une prêtre au Mont Saint Odile le 8 mars dernier (journée internationale du droit des femmes, ça ne s'invente pas), échange qui a autorisé la colère, a été puissant pour mon propre chemin spirituel.
Lytta Basset explique que la colère est normale dans les relations, elle vient marquer une limite : “je ne suis pas toi, je ne veux plus être confondu, manipulé ou nié”.
Elle est un acte de différenciation. Elle nous remet à notre juste place.
Elle nous permet d’incarner nos valeurs, de suivre son propre chemin, de répondre à sa propre vocation, sa propre mission, son chemin de vie.
On ne trouve d’ailleurs nulle part dans la bible d’interdits sur la colère et encore moins sur l’expression de la colère, dit-elle. On trouve des interdits sur le passage à l’acte (“tu ne tueras point”) mais justement la colère peut devenir sainte dans la mesure où elle nous permet de nous retrouver nous-même et qu’elle nous empêche d’aller vers quelque chose de profondément injuste et destructeur pour l’autre... et pour soi-même.
Une énergie de vie
“La colère est une énergie de vie formidable”, dit Lytta Basset.
Mais à force de la taire, nous l’étouffons… et elle finit par se retourner contre nous : dépression, fatigue ou maladie chroniques, perte de désir.
La colère non exprimée appauvrit la vie intérieure. Elle crée un vide. Une rupture avec soi.
À l’inverse, la sainte colère nous enracine dans notre vérité, nous aide à dire “je” à nouveau.
Lorsque j’aide des personnes à écrire et parfois à partager leur histoire difficile, ce passage vers le “je” quand il a été nié, oublié, manipulé, étouffé est d’une puissance inouïe. Il est parfois de l’ordre d’une résurrection.
La colère, un chemin vers soi
Exprimer sa colère, c’est retrouver sa voix, retrouver le lien à soi, poser ses limites, sortir du flou, de la confusion, des loyautés toxiques.
Et c’est possible même sans foi : la sainte colère peut se référer à un idéal de justice, à une éthique personnelle. Il faut simplement un vis-à-vis — quelqu’un, quelque chose, à qui adresser cette énergie.
La colère qui sauve
Lytta Basset raconte qu’elle voit des personnes “se lever, parler en ‘je’ pour la première fois, dire : je ne veux plus ça.”
C’est ça, la sainte colère : une colère qui sauve, pas qui détruit.
Une parole qui reconnecte, qui libère, qui guérit.
Dans un monde qui nous demande de rester calmes, lisses, sages, bien élevés... peut-être est-il temps d’oser la colère vivante.
Oser dire sa colère c'est parfois le premier pas vers la paix.
Et vous ? Qu'est ce que votre colère essaie de vous dire depuis si longtemps ?
Si vous ressentez l'envie ou le besoin d’écrire votre histoire, de faire entendre votre voix, rencontrons-nous pour en parler.
Avec joie.
Sylvie
Illustration : La Lutte de Jacob avec l'Ange, Eugène Delacroix (visible à l'église Saint Sulpice à Paris)