
Sur la 4ème de couverture de mon livre Écoutez-moi ! j’écrivais :
« Écoutez-moi ! est un témoignage hybride, à la frontière du témoignage intime et du récit initiatique. Il retrace ma lente renaissance et reflète une génération qui ne parlait pas des violences sexuelles subies durant l’enfance et d’adolescence ».
Car oui, si nous acceptons de les regarder autrement, nos épreuves portent toutes une dimension initiatique. Elles cachent un trésor qu’il nous appartient de découvrir.
Le chemin est souvent long, sinueux.
Il faut traverser des déserts.
Franchir des portes.
Affronter nos animaux intérieurs : la peur, la honte, la jalousie, la colère, le ressentiment.
L’épreuve est ce face à face avec soi-même, avec nos faux-semblants, nos bassesses, nos manipulations.
A la basilique de Vézelay, lieu sacré, ces animaux sont sculptés dans la pierre.
Certains ricanent, se moquent, d’autres se battent ou se cachent.
Ils nous font face.
Ils nous enseignent.
Ils sont le miroir de nos âmes.
La symbolique architecturale de la grande nef livre un message clair : « pour accéder à la lumière, le combat spirituel est nécessaire. Lui seul ouvre le chemin intérieur vers le Cœur, la Vérité et la Vie » écrit Elisabeth de la Barre.
Ce combat, je le connais.
J’ai pris des autoroutes, des chemins de traverse, des impasses.
Et pourtant, je reste convaincue : libérer sa parole est une étape essentielle pour toute personne victime de violences sexuelles ou d’inceste.
Ces traumas, plus que d’autres encore, enferment dans une solitude abyssale. Or nous sommes des êtres de relation. Nous avons besoin d’être vus, entendus, soutenus, reconnus dans notre douleur.
C’est la force des groupes de parole, des cercles de guérison.
Libérer sa parole c’est reprendre sa vie en main.
C’est briser l’injustice du silence imposé par l’agresseur, la société, parfois même les proches.
C’est sortir du déni, renouer provisoirement avec un passé fracturé, et consentir enfin, parfois après des décennies, au fracas qui a eu lieu.
Mais le chemin ne s’arrête pas là, car la clé n’est jamais dans le passé.
Le passé éclaire, il aide à comprendre. Mais c’est toujours au présent qu’une nouvelle porte s’ouvre.
L’épreuve nous coupe de nous-même et du monde. Y consentir, cesser de vouloir la fuir ou la réécrire, voilà ce qui la transforme en cadeau.
Daleth : la grande porte
En hébreu, la 4ème lettre de l’alphabet, Daleth, signifie « Porte ». Mais elle ne se révèle qu’à ceux qui y sont prêts.
Frapper à cette porte, c’est ressentir l’appel à se libérer de sa prison existentielle.
Mais impossible d’y entrer sans humilité, sans dépouillement.
Franchir la porte, c’est se convertir, quitter son ancien « moi », vivre une métanoïa – un retournement complet – pour s’ouvrir à son être véritable.
C’est accepter de mourir pour renaître.
Paul Eluard écrivait :
« Il existe un autre monde, mais il est dans celui-ci ».
Cet autre monde est en nous.
Daleth promet ce passage : un monde d’harmonie, de paix, d’amour. La Terre promise, le royaume de Dieu, le paradis retrouvé.
Un espace sans jugement, sans haine, sans culpabilité.
Un monde d’ouverture et d’abondance.
Ne donne-t-il pas envie, ce seuil à franchir ?
Laisser le temps au temps
J’aurai aimé que la sortie de mon livre referme vite et définitivement ce chapitre douloureux.
Mais l’épreuve a son propre rythme.
Les mois qui ont suivi furent des mois de jachère. La terre retournée avait besoin d’air, de silence et d’espace pour se régénérer.
Ce temps n’est jamais perdu.
Il consolide la relation à soi, allège les vieux costumes de victime, jusqu’à revenir enfin... au cœur nu.
Christian Bobin écrivait :
« Il faut que la vie t’arrache le cœur, sinon ce n’est pas la vie ».
Il avait raison.
Rien ne vaut cet arrachement pour comprendre que douleur et splendeur sont les deux faces d’une même pièce.
Les temps de chaos sont des temps bénis. Ils nous ramènent à ce noyau d’or incandescent que rien ne peut détruire, même quand tout autour s’est effondré.
Alors, comment ne pas remercier ?
J’ai été soutenue à chaque étape de cette reconnexion à mon être.
Un arbre, une fleur, un lieu sacré, une trahison, une rencontre, un livre, un mot, un obstacle, un silence lourd, une douleur, un guide, un regard, un rayon de soleil, un nuage, une musique, un clin d’œil de l’invisible...
Tout a été cadeau.
Et pourtant, il est une chose essentielle que je voudrais rappeler : la libération de la parole.
Comme le disait Christian Bobin : « il existe un bon silence, celui de la neige, d’une bougie, des poèmes. Et il y a les mauvais silences : ceux qui laissent fleurir une blessure déjà faite depuis longtemps et qui l’ont laissée croître ».
Ces mauvais silences nous enferment. Ils entretiennent la douleur. Ils nous coupent de nous-mêmes et des autres.
Oser dire, oser écrire, c’est briser ce silence toxique.
C’est retrouver une respiration.
L’écriture devient alors un souffle vital, une délivrance qui nous ouvre de nouvelles portes – celles du sens, de la vérité, de la réconciliation intérieure.
Écrire c’est transformer l’épreuve en passage.
C’est déposer ce qui pèse, accueillir ce qui veut naître.
Et parfois, nous avons besoin d’un guide, d’une main tendue pour franchir ces seuils.
C’est le sens de mes accompagnements : offrir un espace sûr où la parole peut enfin se poser, où les mots deviennent lumière, où l’histoire personnelle se transforme en chemin de guérison et d’inspiration.
Alors, si vous sentez en vous cet appel à écrire, à dire, à vous délivrer, je serai heureuse de marcher à vos côtés sur ce chemin.
Avec gratitude.
Sylvie
Photo personnelle : les chats de Vézelay (septembre 2025)