On peut voir la nuit comme quelque chose d’effrayant.
C’est souvent de cette façon-là qu’on la voit, ou qu’on la pressent, lorsqu’on est enfant.
Cette nuit-là est souvent peuplée de monstres, de créatures bizarres et dangereuses. Et quand on est enfant et sans grandes défenses, on a peur des monstres. Evidemment.
Si vous avez eu de la chance, peut-être que l’un de vos parents a pris le soin de vous lire chaque soir, ou régulièrement, une histoire de monstres un « peu » méchants vaincus par des chevaliers vaillants.
Ca aide à ça les belles histoires, à se sentir en sécurité et à apprendre tout doucement à faire face aux nuits les plus noires.
Malheureusement les parents sont souvent tellement occupés à se battre avec leurs propres monstres inconscients qu'ils n'ont bien souvent pas le temps.
Alors les mots et les peurs des enfants restent tapis dans le sombre et l’inexploré.
Dans mon livre j’écris surtout depuis ce pays froid et sombre.
Ce pays où la lumière du jour est très discrète, voire inexistante.
Ce pays où on reste en apnée, la peur au ventre.
Certains vieux monstres sont coriaces et ont la dent dure.
Bien sûr la lumière filtre parfois entre les mots, mais c’est une lumière de persiennes de sieste d’après-midi, ce n’est pas la lumière éblouissante de la montagne Sainte Victoire au soleil couchant.
N’est pas Cézanne qui veut.
Il a dû la contempler souvent et longtemps, Paul, cette montagne, pour réussir à nous en partager son essence.
Ce qui m’a aidé et m’aide encore à sortir de la nuit noire effrayante c’est de savoir qu’elle existe, cette lumière.
Je crois que l’ai su très tôt.
Instinctivement. Comme tous les enfants.
Puis j’ai oublié.
Nous tombons toutes et tous dans cet oubli, parfois au moment de l’ « âge de raison » (quelle drôle d’expression !), parfois bien plus tôt.
Chaque vie est tellement riche, unique et mystérieuse.
A l’âge adulte, écrire permet de continuer à sonder, cette fois en toute sécurité, ces nuits noires, ce mystère et de remplir le sombre de mots-lumière.
Je me souviens de cette rencontre troublante avec Sirius ce 26 avril 2019 à Nouméa.
Quelle émotion ce soir là !
J’avais alors écrit ces quelques mots :
Au-delà du temps
Des époques, des années
Un soir retrouver la mémoire
Se souvenir que
Nous sommes illimités
Sans mots, sans histoires
Sans peur, sans attentes
Traverser le noir
Accueillir l’inattendu
Au cœur du cosmos nu
Rencontre improbable
Joyeuse apesanteur
Toucher du doigt l’éternité
Sentiment de plénitude et d’identité
Lumineuse Sirius à mes côtés
Entre ciel, terre et mer
Revenir doucement sur terre
Heureuse d’avoir pu embrasser
Ce divin et doux mystère
Profond sentiment d’unité
Ainsi soit-il
Si Albert Camus avait « découvert au milieu de l’hiver, un invincible été », j’avais, quant à moi bel et bien découvert cette nuit là, qu’au-delà du sombre et du noir, il existait aussi un profond sentiment d’unité.
On écrit ensemble ?